L'entretien fort fort lointain

J'ai testé l'entretien de recrutement loin de chez moi mais alors vraiment loin! 600 km, une bagatelle en somme pour qui fait preuve d'une motivation inébranlable!



Un rendez-vous à 16h permet de toute évidence de prendre une bonne partie de la journée pour réfléchir à ce qui va bien pouvoir se passer, à moins de covoiturer, et encore que l'un n'empêche pas l'autre. Des silences d'une heure ou plus sur une route des plus droites et sans croiser personne ou presque nourrissent des songes en quantité. C'est une véritable réécriture de l'anticipation.

3h plus tard, un double café bu sur une aire d'autoroute à 2 euros 60 accélère un peu plus la vidange de ma vessie. Et c'est à cet endroit précis que les forçats de la route ou les égarés se croisent, alignés les uns à côté des autres, pour la purge, après s'être parfois copieusement insultés par véhicules interposés. Commerciaux, routiers, ouvriers itinérants, touristes et puis ceux qui se rendent aux entretiens d'embauche, loin, très loin de chez eux.

A l'arrivée, je cherche encore un rade pour boire un dernier café et patienter gentiment. Poésie caféinée.

16h, j'y suis. Je patiente, avec les autres cette fois, les "usagers" comme on dit. 15 minutes à mariner, ça permet que la viande soit plus tendre pour la dépiauter.

Nous y voilà. Poignées de main, salutations, remerciements d'être là, etc. Je pensais qu'il serait "un", alors qu'ils sont finalement "trois"... Nous sommes désormais en cercle formé par nos quatre fauteuils sous un faible éclairage ; ambiance assurée pour un voyage d'une heure à destination de l'embauche incertaine.

Le trio de recruteur est une technique éprouvée pour tenter de déstabiliser l'aspirant. Je m'en doutais un peu une fois plongé dans cette impression de déjà vu. Deux personnes questionnent, la première pour pointer la petite bête, l'autre davantage dans mon sens, voire pour me soutenir. Et enfin, la dernière personne reste détachée, observe mais parle très peu.

Après vous avoir expliqué les missions de notre structure, vous disposerez d'un temps pour présenter votre parcours et vos motivations, votre valeur ajoutée pour notre établissement.
Sempiternelle rengaine, faut s'y faire...

Mais que faisiez-vous concrètement?
En voilà une question intéressante pour un psychologue... Et blague à part, c'est une remarque qui fait retour fréquemment dans les discussions courantes avec les amis/ la famille/ les collègues (rayez les mentions inutiles).
Me vient parfois cette réplique de Monsieur Bean dans ce film éponyme, lorsque son hôte américain lui demande ce qu'il fait dans le musée, alors qu'il le prend pour un grand spécialiste de la peinture...
"Je m'assois dans le coin et je regarde les peintures" et l'autre de rétorquer : "c'est d'une pureté!"...

Qu'ils sachent ou non de quoi il s'agit, c'est souvent difficile de partager ce qui se passe dans la rencontre pour qu'elle ait un impact "soignant". Alors, on brode, plus ou moins bien, expliquant des "missions", des "tâches", des "objectifs", des "processus"... 

Avez-vous suivi une analyse?
Une question tordue à laquelle il faut tout de même répondre, de façon plus ou moins esquivée. Il s'agit d'éviter ce genre de réponse : "Non pourquoi? C'est une proposition?"... De toute façon, ça n'a aucune importance en ce qui les concerne.

Et puis forcément, je n'échappe pas à celle-ci : 
Mais il n'y a pas d'annonces dans votre région?
Poser la question, c'est déjà savoir un peu la réponse... "Elargissement du champ des possibles"? Mais c'est plutôt une réponse de manager, ou d'un coach.

Nous reviendrons vers vous pour vous communiquer la suite apportée à votre candidature.
Un mensonge, bien souvent et plus encore dans ce cas particulier. Et pourtant, chacun sait qu'une réponse négative explicitée, sinon déjà communiquée verbalement et non par un unique courrier froid 2 mois après l'embauche de l'heureux élu, vaut mieux que le long silence de l'indifférence.

L'hôtel minable qui m'accueillit cette nuit-là, comme l'escapade nocturne à même la route, faute de trottoir à la périphérie des villes, me permit de réfléchir un peu à ce qui s'était joué une nouvelle fois. On ne pense véritablement qu'en marchant, qu'en s'imprégnant d'une ambiance, des lumières, des bruits et des odeurs. Faire face à un vaste désert qui croît en moi...

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