Coronavirus, que de la gueule.

Je me rends compte que ça fait maintenant presque 3 ans que je n'arrive plus à écrire une ligne. Pour écrire, il faut pouvoir penser. Bien sûr, c'est un luxe que l'accès à la pensée chez Sapiens. La règle générale, c'est la répétition, ne l'oublions pas.



Mais voilà qu'un coronavirus change le cours des choses. "Crise, rupture et dépassement", c'est le titre de l'ouvrage génial de R. KAËS. Le dépassement n'est jamais que potentiel. Aujourd'hui, nous sommes dans la rupture, c'est-à-dire la panade, la vraie, la crasseuse, épaisse et vaine.

Que deviennent les psychologues démunis pendant les crises sanitaires?
Plongés avec les autres dans un mauvais film de science-fiction, un mélange entre Contagion, L'armée des 12 singes et Walking dead, il faut d'abord sortir de la gangue. Accepter la sidération. Penser. Peut-être.

Les virus viennent toujours d'ailleurs. "Virus chinois, sorti d'un marché d'animaux de Huwan". Jusqu'ici tout va bien. "Pas de psychose!". J'aime cette catachrèse, surtout quand elle devient auto-réalisatoire. Les bonnes méthodes médiévales suffiront bien. 
"Mettez une pancarte sur la porte de votre établissement, ça retiendra le virus à l'extérieur". On érige des forteresses et on se réfugie dans les donjons. Après tout, on a toujours fait comme ça. Réflexe paranoïaque, on détermine le danger au dehors, on lui attribue un nom exotique, on fait comme si de rien était. Déni, clivage, projection. Finalement, on glisse tout doucement dans la psychose. Y a comme une faille dans le miroir. Je crois bien que l'Autre est en Moi.



Depuis deux mois, je découvre de nombreux experts parmi mes proches et mes lointains. Je les ignorais les virologues, les épidémiologistes, les médecins de bazar... un ensemble de commentateurs qui bruitent le réel. Faut dire qu'on ne parvient pas à se l'expliquer ce virus. Pourquoi? Quand il y a du vide dans les psychés, on vient tenter de boucher les trous avec du symbolique. La rhétorique du complot, c'est l'économie de la pensée. Quand il n'y a plus rien, il reste ça. Et pourtant, les ingrédients d'une crise sont souvent les mêmes chez Sapiens. Le déni et l'arrogance qui façonnent l'impréparation puis la cupidité qui la renforce encore davantage. "Vivez masqués, vous vivrez plus longtemps!" Sauf que les masques protègent de toute façon insuffisamment et puis comme il n'y en avait plus, le problème était réglé d'avance. "On va peut-être changer de sujet?"


"L’État, c’est le plus froid de tous les monstres froids : il ment froidement et voici le mensonge qui rampe de sa bouche : « Moi, l’État, je suis le Peuple. » " Le Coronavirus est nietzschéen. 
Durant ces mois de crise, l'ARS, le ministère de la Santé, n'a cessé de produire du contenu, par celui qui manquait pour remplir les établissements (matériels de base, moyens humains, financiers, réflexions méthodologiques et éthiques...), que l'on se rassure, mais des kilomètres de notes, de consignes, d'états des lieux qui peuvent se résumer en deux phrases. "Nous n'avons rien à proposer. Si le virus entre, vous serez tenus responsables". 
Merci du voyage. "On va tour mourir" hurla le fou. Cette proposition, ramenée sur un temps suffisamment long est la vérité. Heureusement, nous n'y pensons pas à chaque instant, sauf aujourd'hui. Cette époque est décidément prodigieuse. 

Covid-19, au féminin, s'il-vous-plaît! Acronyme anglais "COronaVirus Infectious Disease 2019" qui résonne comme le nom d'un logiciel digitalisé. Toutefois, ça n'excuse pas l'invisibilité du féminin. Maladie est féminin. Encore quelque chose qui énerve fortement Roland Gori, l'appel des appels, tout ça. Gare au Gori!



Quand j'ai vu la mobilisation des psychologues appelés à la rescousse pour ceux qu'on a statufiés en héros, les vrais soignants, je me suis dit : "Chic, si jamais il n'y a plus assez d'éboueurs pour ramasser nos déchets, il restera toujours des psychologues pour les accueillir et faire le tri". Je pense que n'importe quel soignant préférerait quitter ses habits de héros, s'il pouvait simplement triompher humainement, en somme, pouvoir faire son métier. En attendant, installons des dispositifs impossibles avec des légions de psychologues démunis. "Je vous remercie de m'avoir appelé, ça fait tellement de bien d'entendre un patient". On a des airs de mobilisations générales, sans mobilisations et sans général : "Ils vous soignent, soutenez-les".

"Allô, m'entendez-vous, y a-t-il quelqu'un au bout du fil?
- Cela fait longtemps qu'il n'y a plus de fil."

Skype accentue les rides. Les psychologues sont perdus. S'allonger pour l'analysant avait un caractère si chichement désuet. Des ondes, du cloud, une abstraction totale. Il n'y a plus rien dans la forteresse.
... Quand on ne distingue plus le dedans et le dehors, on se souvient comment ça se termine. Tourner en rond autour de chez soi, faire des tours, sans détours. L'éternel retour du même, nietzschéen est aussi clinique. Il faut l'accepter puisque la répétition, c'est la vie.

Certains devraient se souvenir encore longtemps qu'il eût fallu répéter un peu la scène. Bas-les-masques!

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