Infiltré au CNIPSY 2014

Un congrès pour les internes en psychiatrie? Chic, je n'ai (évidemment) rien d'autre à faire en cette fin de semaine. Mais en tant que psychologue démuni, puis-je participer? ... En plus ce n'est pas très cher. 50 euros qui comprennent les deux journées de travail, la soirée, les repas de midi. En général, c'est plutôt le double, voire le triple et sans le petit déjeuner, et surtout sans le café!


On ne fera pas l'analyse sémiologique de l'affiche. Au diable l'interprétation! Rugissons donc avec les internés, internes en psychiatrie. Jouissons (sans entrave) de ce riche menu.

Mais réfléchissons d'abord deux minutes à la distinction entre "congrès" et "colloque". 
Un "congrès" était au moyen-âge une épreuve judiciaire le plus souvent commandée par l'épouse de l'intéressé que lui, subissait dans l'objectif de prouver son impuissance sexuelle... en vue de rendre nul le mariage.
"Colloque" du latin "Colloquium" désignait quant à lui des conférences religieuses tenues dans le but de discuter des points de doctrine ou pour concilier des opinions diverses.

Quelle est l'autre nature de la preuve à apporter de nos jours dans un congrès? La question reste entière.

Trêve de bavardage... Allons voir d'un peu plus près ce qui s'y passe.

8h30, ça s'agite un peu aux portes de l'amphithéâtre. Quelques bricoles restent à fixer et les différents stands s'installent gentiment. Parmi ceux-ci, la libraire va proposer à la vente les ouvrages des pontes qui s'apprêtent à s'illustrer dans l'art oratoire, et puis d'autres un peu plus généraux sur la psychiatrie et son histoire.
Et puis il y a tous les autres marchands, les cliniques privées, les assurances et les laboratoires. Un marketing impeccable où se mêlent harmonieusement friandises, plaquettes sur papier glacé et fiches de renseignement. La drague paraît lourde mais ça fonctionne. Dans le fond du congrès, résonnera pourtant dans la salle en guise de rappel que l'industrie pharmaceutique n'a pourtant plus innové fondamentalement depuis la chlorpromazine sinon en détournant les effets secondaires (et généralement indésirables) d'autres molécules. Le projet chimique de la psychiatrie ne fait donc pas vraiment peau neuve depuis un demi-siècle mais continue d'inciter à prescrire différents produits qui s'annulent les uns avec les autres. Mais qu'est donc devenue l'observance thérapeutique? Elle a peut-être fait ses valises avec "l'externement" des patients.

Et puis, en pénétrant dans la salle, le confort des sièges n'a décidément plus rien à voir avec ceux de l'université, qu'importe la cinquantaine d'amphis en comparaison... Un aspect feutré qui tranche complètement avec tout ce qui existe dans ce coin du monde. Les enceintes distillent ainsi dans cette chaude atmosphère un rien guindée quelques morceaux choisis de Paco IBANEZ, chantant Georges BRASSENS, "la mala reputaciòn" en particulier. On a ici l'union de "l'espagnolité" guerillero et des chansons populaires et subversives du camarade sétois. La "Résistance" vient alors aussi prendre tout son sens, en fond sonore, même si comme l'affirmait Lucie AUBRAC : "Résister doit toujours se conjuguer au présent".

Des bons sentiments me direz-vous. Peut-être. Mais ils sont toujours préférables aux mauvais. La séance s'ouvre ensuite sur cette question posée par un patient derrière une grille au jeune interne de garde, ce dernier la livrant à l'assemblée en guise d'anecdote : "S'il vous plait, est-ce que vous auriez un peu de liberté à me dépanner?" Vaste programme.

Les interventions vont se suivre, et se ressembler parfois, mais pas toujours. Les écarts avec les dogmes sont possibles (ouf!). Les désaccords nourrissent les discussions, systématiquement encouragées, bien qu'un retard pris d'emblée semble complètement insoluble.

Evidemment, je ne vais pas les reprendre point par point mais l'ensemble fut constructif. Pour s'en faire une idée, il sera bientôt possible de les (ré)écouter à cette adresse : http://cnipsy2014.tumblr.com/

Je regrette tout de même que l'indisponibilité chronique des grands de ce monde ne les oblige à quitter précipitamment l'assemblée constamment pour un ailleurs, quel qu'il soit, ou bien à n'arriver que le lendemain. Cette incapacité à se fixer à un endroit a ainsi donné naissance à une expression triviale qui malheureusement rencontre une certaine accointance avec ce que j'ai observé : "faire son Parisien".
Nous, psychologues démunis, n'avons rien à leur envier de ce côté-là. La prestation est tarifée à l'heure... Ni plus, ni.. plus. 45 minutes, c'est le cadre!

Toujours est-il qu'après cette infiltration dans ce congrès, je peux continuer à affirmer que les psychologues de tout poil peuvent sérieusement en prendre de la graine. Que ce soit du point de vue de la forme, du fond, de la cohésion donnée à voir, de l'esprit et même de l'humour! Ces jeunes-futurs-collègues-médecins-psychiatres savent faire forte impression. Je saurai m'en rappeler, et avec la dizaine de page de notes, l'oublier sera d'autant plus compliqué.

Et pour terminer, je reprendrai l'une des formulations adroites rapportées en fin de journée, qui s'apparente approximativement à cela : "Être équilibré, c'est se donner la capacité de rejoindre l'autre avant qu'il ne tombe". Alors vous l'aurez compris, bien entendu qu'il fallait y aller à ce congrès et à l'avenir, il restera même à y retourner, pour eux, pour nous, pour les patients, pour nous tous.

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